Poésie - Nada Sattouf - Bayt


J’ai envi d’écrire quelques mots sur une poésie différente, une poésie qui dénonce, une poésie qui renonce à la bêtise humaine. Cependant, elle s’écrie en une révolte non exprimée, car celle-ci s’affale sur les épaules du lecteur. Le poème, lui, en ses mots, continue la vie, comme s’il ignorait les bourreaux. N’est-ce pas là la meilleure des vengeances?


La continuité de la vie, malgré tout, s’incarne dans l’âme d’un jeune garçon qu’on a retrouvé vivant près d’une fille morte qui n’était pas sa sœur…, sous les décombres d’un immeuble bombardé par ces engins qu’on manie comme on joue aux jeux d’ordinateur, avec des manettes, encore plus par manie que par jeu, la manie de la guerre. La manie de l’inhumanité.

Nada Sattouf, qui présente une belle sensibilité dans l’écriture, s’exprime en empruntant une forme dialoguée où les personnages, à la façon de l’écriture pour le théâtre, composent strophe par strophe le poème «Cana le vent promis» où s’alternent les pensées et les voix de Zad (le garçon), Dounya (la fille morte) et la mère de celle-ci, également morte («réduite à ses particules les plus fines»).

Et, Dounya à sa mère lance une plainte: «il fait corbeau sur mes plaies / Il fait un loup», la mère plus loin lui souffle un vent maternel: «une paire d’amour vocalique / j’ajoute à ton poignet une amande».

Puis, Dounya parle à son ami, tout près d’elle: «Ami auprès de moi / il y a loin du tiroir au crochet» et Zad lui murmurera : «Amie de ma lenteur / tu marchais paupières à dire».

Ce poème est beau par sa bonté, est beau par son chant. Sans crier vengeance, il nous chante une prière, une compassion; le poème scande la vie alors que nous, lecteurs, plongeons dans le deuil de la chair. Et, se suspendent les âmes dans leur grandeur, là où tout nous lie à l’éternité. La profondeur évoquée dans ses vers n’est pas sans me rappeler «Le prophète» de Khalil Gibran, où le grand maître partage son héritage spirituel avec la multitude avant de s’embarquer sur son «vaisseau», pour le dernier voyage.

La poétique de Nada Sattouf offre des images où l’équilibre entre signifiant et signifié est en parfaite suspension; où la force de l’éloquence prend son aplomb entre la musique et le sens des mots qui se chevauchent constamment, qui se superposent afin de proposer l’espérance pour l’avenir; mais, aussi, la résignation pour le présent.

Dans ce recueil, on retrouve également «Journal intime d’un libéré de Guantánamo», et deux autres poèmes, environ quatre-vingts pages pour quatre tableaux, où beauté et douleurs se côtoient, telles la vie et la mort.

Prendre le temps de s’offrir une telle poésie, c’est se faire le cadeau de pouvoir croire qu’il existe la beauté dans l’humain, malgré la bêtise.

Nada Sattouf, poète de brousse. http://poetesdebrousse.org/livres.html

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