Angèle Dubeau & la Pietà : Gargantua et autres plaisirs

J’ai envi de crier: «Ô miracle!»… Pourquoi?…

Pour deux raisons: la première étant que cet album m’a été offert par un ou une inconnue! En effet, à mon retour de vacances, durant la deuxième semaine de septembre, il y a donc plus d’un mois de cela, j’ai trouvé cet album à la porte de mon bureau. J’ai questionné tout le monde, parcouru tous les couloirs; personne n’en sait absolument rien! Quel mystère! comme je les aime, dois-je ajouter avec un sourire plein de bonheur… Je suis resté enfant quelque part dans mes synapses.

La deuxième raison étant que je ne connaissais pas du tout Jean Françaix, et qu’il me manquait, il est de ceux qu’on espère. Je ne saurais mieux gré à ce maître d’avoir su ramener, rajeunir Gargantua d’une aussi belle façon. Rien de moins que 437 années séparent les deux œuvres.

D’emblée je me lance dans les éloges: Jean Françaix dans son œuvre, Angèle Dubeau et ses musiciennes dans leur interprétation magnifique, et Albert Millaire dans sa géniale narration font de cet œuvre un véritable joyau qu’il est impossible d’ignorer, qu’il est impossible de se passer. Angèle Dubeau et ses musiciennes rehaussent de nouveau la barre de l’excellence avec leurs interprétations, barre qui était déjà très haute avec leur Philip Glass «Protrait».

L’album Gargantua contient trois œuvres, la première est «Les inestimables chroniques du bon géant Gargantua» pour récitant et orchestre à cordes (1971). Dans cet œuvre Jean Françaix, selon les circonstances du récit, soit dépeint les scènes d’une manière cinématographique, soit les accompagne comme s’il soutenait un chant, un poème. D’ailleurs, souventefois, Albert Millaire nous laisse avec l’impression qu’il chante, tellement son interprétation colle bien à la partition et au jeu des musiciennes. Aussi, les mots de François Rabelais nous rappellent que la littérature française a ses grandeurs où le cœur et l’esprit (la raison) se connaissent parfaitement. Les musiciennes interprètent avec brio cette pièce de plus de 40 minutes, une réussite de toute beauté.

Puis, la deuxième pièce: «L’heure du Berger» pour orchestre à cordes et piano (1947) se présente en un vrai bijou pour ces musiciennes de l’archet, avec ses nombreux glissandos (dans «Les vieux beaux») qui donnent à cette pièce une véritable voix. Et c’est dans son deuxième mouvement, «La belle Otéro», que cette voix glisse dans un beau lyrisme tout poétique, en belles mélodies, telle une romance. Une musique admirablement bien interprétée par la soliste. Il faut savoir qu’au violon les pièces les plus lentes, celles qui renferment le moins de notes, sont souvent les plus difficiles à rendre. En outre, nous avons la chance d’apprécier, je crois, l’admirable sonorité d’un Stradivari baptisé «Des Rosiers» (1733). La dernière partie («Les petits nerveux») nous conduit sur la grande voie des rythmes syncopés et saccadés, voire dansant et où la virtuosité des musiciennes s’expose superbement.

La dernière pièce de l’album est «Sérénade B E A» pour orchestre à cordes (1955). Une pièce en cinq mouvements qui met en valeur les instruments dans leurs belles teintes impressionnistes et le phrasé exceptionnel des musiciennes dans cet œuvre où les rythmes ne sont pas triviaux. Par moment même il est impossible d’anticiper la suite du discours musical, alors que le compositeur nous amène dans une direction, nous voilà aussitôt renvoyer sur un autre versant, et les musiciennes jouent le jeu et nous tiennent en haleine, ou sur nos gardes, constamment. Le deuxième mouvement «Andante» est plus mystérieux, plus sombre, peut-être, mais c’est pour mieux nous préparer à l’«Allegro» qui suit et à la marche joyeuse qui suivra après, une marche très dansante constatons-nous. Enfin, la pièce se termine par un soupir, comme une plainte ou, possiblement, une méditation, un songe: «Épilogue».

Un superbe album, un beau cadeau de Angèle Dubeau & La Pietà, de Albert Millaire, de Jean Françaix, de Rabelais et d’un ange qui me connaît sûrement très bien…

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