Poésie – Hossein Sharang – Livre Sauvage


Les dernières semaines m’auront vu glisser de la musique à la poésie, tout en douceur. J’ai assisté aux lancements de nouveaux grands crus célébrés par quelques maisons d’éditions. Je compte donc me faire l’apôtre de mes coups de cœur, au fur et à mesure de mes lectures.

Aujourd’hui, je veux parler de Hossein Sharang, poète iranien adopté par le Canada en 1982.

Les Éditions du Noroît viennent de lancer son nouveau recueil: «Livre Sauvage». Les poèmes sont traduits du Persan par Houman Zolfaghari, sauf ceux que Hossein Sharang a composés directement en français. La magnifique couverture présente un fragment d’une œuvre intitulée «Hasard nocturne» faite par Khosro Berahmandi. Déjà, sur l’étagère, le livre est simplement beau. Il nous regarde, intrigué, il nous interroge, tel un animal sauvage. Il sera difficile de lui résister, de lui échapper.

La poésie de Hossein Sharang nous renvoie au commencement de nous, aux dieux, aux déesses, à la beauté du «sauvage» justement, à l’humain animal, intelligent et sensible. Sur un pied d’égalité, voire même en harmonie avec le lion, le corbeau, le serpent et nombre d’autres animaux, l’homme et l’animal fusionnés: «un oiseau invisible / construit son nid dans mon visage / il bat des ailes dans mes paupières / je bats des paupières dans ses ailes».

Le chant du président Sharang, tel qu’il se proclame, clame aussi des plaintes poignantes: «Tant de gens sont morts / que je suis devenu cimetière». On observe ici de quelle façon le poète pénètre dans les émotions et les souffrances humaines, en les faisant siennes, en s’y noyant; il s’y fond, littéralement. Il explore la brutalité aussi: «coup de sabot du zèbre / à la mâchoire du lion / jet de sang, salive et dents / de la gueule défoncée».

Ainsi en est-il du début à la fin du recueil, à travers les mots et leurs images, le poète incarne, à la manière des grands sorciers, des dieux, les éléments «sauvages» de la vie et de nos émotions. Il le fait d’une manière toujours nouvelle et surprenante, en nous projetant des visions percutantes. Et, il établit ses frontières diaphanes, sans limites aucune, il est le président de la République sauvage du Sharanguestan!

En d’autres moments, son univers intérieur, qu’il matérialise par son écriture, crée un monde énigmatique: «pour écrire la fourmi / il faut des feuilles de soixante-dix automnes / un chant de roseaux intemporels / une mer d’encre de Chine / et un poète contagieux / de la race des fourmis». Et, la Terre devient «[…] la grande roue verte / autour du soleil».

Malheureusement, ce livre n’offre pas la version en Perse des poèmes, ce qui est dommage car, pour avoir entendu et vu Hossein Sharang sur quelques bouts de films, je sais qu’il aurait été magique de l’entendre lire ses vers dans sa langue, car ce poète possède en plus un charisme théâtral. Il semble faire appel à une rhétorique qui nous lie aux origines de l’humanité, à la nature sauvage. Sa langue nous secoue de l’esprit au cœur, jusque dans la coquille même de nos chromosomes, tellement elle vient de loin dans le temps. De plus le Perse, comme l’Arabe, possède une calligraphie toute belle et mystérieuse.

Ce poète est un des plus chaleureux et sympathiques qui soit. Lui qui, lors du lancement de son livre au centre culturel du Plateau Mont-Royal, a dit «bonjour» en langue sauvage à tout le monde, en imitant le rugissement du lion.

Pour ceux qui aiment la poésie à la grandeur de ses déesses, ce poète est à lire, à voir et à entendre: «Il était de vertige / celui qui a dit / qu’avec deux autres pieds / je serais devenu une roue».


http://www.youtube.com/watch?v=Mdqp9Ur9hvI&feature=player_embedded

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