Poésie – Benoît Lacroix – Le P’tit Train


Après quelques lectures, quelques recueils, et quelques recueillements désespérés, parce qu’aucune de mes dernières lectures ne m’inspirait de commentaires, des recueils pourtant très bons, mais sans cette saveur qui anime les cellules rhétoriques qui vous forcent à vous exprimer sur le sujet qui vient de vous inonder de son aura, je croyais avoir perdu l’étincelle juvénile de l’enthousiasme!

Alléluia! ces dernières minutes que j’ai passées en compagnie de Benoît Lacroix viennent de me sortir de ma torpeur. J’avais déraillé, peut-être, me revoilà sur les rails.

Le P’tit Train est une histoire du quotidien, c’est comme une horloge qui indique aux villageois le temps qu’il est: le temps de rentrer, le temps de sortir, le temps de s’amuser un peu avant qu’il ne soit le temps de dormir; c’est comme un baromètre qui indique le temps qu’il fera, beau temps, mauvais temps, grosse ondée ou bordée de neige; c’est également comme une musique qui bat la mesure avec ses pompes de défilés d’acier tapageuses, sa cloche «ding, ding, ding», son sifflet «Hou… ou… ou… ou!»

Aussi, il décore le paysage. Il se fait tantôt chenille, tantôt lézard, tortue, mouche noire. Il a des allures de «tête énorme, carrée, taillée en bûche d’érable. Gros nez mal ajusté. / Vu de face: toujours en grimace. Un bouledogue!» Quelles belles images, bien vues et bien chantées!

Mais, on s’en doute, le 36, c’est beaucoup plus que ça, c’est un ami, un ami fidèle, un confident, un bon vivant, un père, un frère, une mère peut-être. Il prend soin de nous amener où nous voulons, de nous ramener aussi, à bonne gare, toujours à l’heure, toujours là pour nous.

Mi-récit, mi-poème, Le P’tit Train est très bien écrit. L’auteur nous tient en haleine avec un rythme soutenu, galopant avec l’élégance du cheval, vapeur. Il utilise des expressions du terroir, bien de chez-nous: «Celui-là, i couraillera pas les églises! avait prédit une tante écornifleuse.» On y trouve nombre d’onomatopées bien chantantes: «[…] tous les matins, tous les soirs, timpin-timpant, houloulou-houloulant, pétaradant, cascadant, tarataquant et hoquetant, chuchotant et tcheutchotant […]» toutes plus savoureuses les unes que les autres.

Un train très humain finalement, il a une âme et nous ressemble étrangement. L’expression «train-train quotidien» nous vient à l’esprit même si elle n’est pas écrite dans le livre. Ce sont nos joies, nos labours, nos amis, notre famille, notre vie. Ce livre dit que la vie est belle et il lui donne un sens!

L’édition originale date de 1964, ce petit livre a fait son chemin discrètement, il a été remis sur les rails régulièrement, et avec raison.

Dire que je suis tombé dessus, par hasard, lors de ma visite chez Olivieri pour entendre les lectures des poètes du Noroît. J’en avais entendu parler, il y a longtemps, je l’avais cherché, mais Le P’tit Train s’était toujours «poussé», comme si l’heure n’était pas encore venue pour moi de monter à bord. Maintenant, je l’ai…

Benoît Lacroix, Éditions du Noroît, 2001.

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