Poésie – Hélène Dorion – L’étreinte des vents

«L’étreinte des vents» est le titre du tout nouveau livre de Hélène Dorion, que j’ai vue et entendue à son lancement qui a eu lieu à la librairie Olivieri, sur Côte-des-Neiges, à Montréal, le mercredi 21 octobre 2009. Un lancement réussi, une librairie grouillante de monde, des places assises à oublier; la majorité devait déguster ce beau moment debout, mais sans longueur, sans fatigue, captivée.

Un moment exceptionnel, en tout cas pour moi, où Hélène Dorion nous a lu quelques extraits du livre alors que le son doux et mélancolique de l’alto venait à la fois colorer et interrompre, lier et rompre, comme on tourne la page à la fin d’un chapitre, les pauses entre deux lectures, des intermèdes gracieux de musiques classiques de différentes époques et expressions, admirablement bien interprétées.

À la première lecture du livre on hésite: est-ce un roman, un essaie, de la poésie? nous nous interrogeons sur la catégorie où placer cette œuvre, comment la classer? Et puis, un peu comme une révélation, on s’aperçoit que c’est tout cela en même temps.

Cette œuvre ressemble à un roman par son écriture, tout en prose, par sa petite histoire inscrite à l’arrière-plan du tableau: un voyage, un vol d’avion, le survol des îles, des îles en chapelet, vues d’en haut; puis la vie sur l’île, les vents, les moments à l’observer, les tempêtes, le calme, la nature; et, enfin, le retour, le recommencement.

Aussi, elle ressemble à un essai par la méditation, la recherche, la quête de l’auteure qui veut des réponses aux grandes questions des liens amoureux et de leurs ruptures inévitables. En effet, d’une façon ou d’une autre les liens se brisent, que ce soit par la mort ou par le départ: «Le ciel s’assombrit brusquement. Le soleil ne se lève plus, pas davantage il ne se couche. Tout, […], est devenu plat, s’est immobilisé.»

Et, malgré la forme, malgré les phrases simples et sobres, elle ressemble à un long poème, principalement parce que les images se superposent, constamment, et que le rythme est éloquent, il suit les vagues de la mer, il suit aussi le contexte avec ces liens et ses ruptures. Elle est poème aussi parce qu’il est quasiment impossible de mettre le doigt sur les personnages, tout passe par la voix du poète qui nous greffe à ses yeux et qui nous fait voir ainsi autant son intérieur que sa perception presque onirique du monde extérieur. Nous sommes, nous lecteurs, en même temps témoins et actants à travers les yeux de la narratrice.

La clé de «L’étreinte des vents», telle que je la ressens, est la «solitude», une grande fresque où Hélène Dorion démontre, par sa propre expérience, ses propres sentiments, que la vie cherche, ou plutôt qu’elle nous force, à créer des liens («Nous sommes porteurs d’un désir de sens qui est lui-même tributaire de notre capacité à recueillir – et à créer – des liens»). À n’en pas douter, dès la naissance nous recherchons le lien qui vient de se briser, le lien de la mère et de l’enfant. Et, inévitablement, la vie, synonyme de lien, nous confronte à la rupture, continuellement, à répétition, de chacun des liens que nous tissons. Jusqu’à ce que, à notre tour, rompions tous les liens qui se sont tissé à nous.

J’ai aimé ce livre, comme probablement beaucoup d’autres l’aimeront, parce qu’il explore le «mouvement» dans la vie humaine, un mouvement qui est aussi une de ses facettes fondamentales, car il trace le schéma de ce «quelque chose» qui hante et qui bouscule tous et chacun, comme les vagues de l’océan qui viennent ébranler l’île, puis se rompent en s’en éloignant; et qui reviennent de nouveau irrépressiblement. L’île, son isolement, sa solitude; mais, aussi, son héroïsme!

Hélène Dorion a très bien disséqué ce mariage lien-rupture dans tout son cycle de vie, à partir du moment précis de la présence de la rupture même: «Désormais il y a un ‘monde d’avant’, et un ‘monde d’après’…»

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