La soirée des sans-abri

Je reviens d’un petit deux heures de modeste participation à l’événement «La 20e nuit des sans-abri à Montréal», près du métro Beaudry, dans ce qui semblait être une cour d’école, sur un terrain asphalté que la géométrie plane ne connaît pas. Les dénivellations inattendues me faisaient perdre l’équilibre et me donnaient l’air de tituber. Pensait-on que j’avais bu? En suis-je inquiet?


Présentement, mes doigts gelés obligent les mots à s’imprimer moins vite que d’habitude sur l’écran d’ordinateur. Le fait d’avoir passé quelques instants loin de mon abri habituel me déstabilise, je suis sorti de ma zone de confort, et je perds mes moyens. Comment m’en sortir?

Premièrement, je suis revenu chez moi; Et, deuxièmement, je suis en train de me réchauffer tranquillement. J’en ai pour une trentaine de minutes environ. Mais, combien de temps cela me prendrait-il si j’étais resté quelques années dans la rue? Comment pourrais-je m’aider à retrouver mon confort alors que les moindres moyens seraient hors de prix? Le problème n’est pas seulement mathématique, c’est-à-dire qu’il n’est pas du tout simple à résoudre. Le calcul des trajectoires des objets dans l’espace nous apparaît beaucoup plus facile en comparaison.

Aussi: «lève-toi et marche!» fonctionne en autant que nos membres ne sont pas gelés, et que le terrain ne ressemble pas à un jeu d’adresse pour acrobate! N’y a-t-il pas là de quoi réfléchir?…

Qu’est-ce qu’un abri? Là est la question! Un abri n’est pas nécessairement une maison pour le corps, c’est aussi un espace vital pour l’âme, une maison intérieure…

Cet événement modeste a attiré quelques centaines de personnes, dont le maire Tremblay qui y est resté quelques minutes, il est venu faire une visite de paroisse, comme on le disait dans le bon vieux temps. Ce bon vieux temps où les «quêteux» demandaient la charité pour «l’amour du bon Dieu»; d’ailleurs, si la phrase était bien dite, ils pouvaient obtenir un gîte pour la nuit et un repas, sinon les hôtes risquaient l’enfer. Une charité forcée…

Bon, au moins le maire a fait sa tournée, il a également écouté religieusement le poète Yvon Jean, un poète qui connaît le nom des rues, un gars qui a vaincu la rue et ses embouteillages, ses néons crus et ses odeurs de bière. Mais, maintenant, il est sorti du trafic, il s’est «dénelliganisé» comme il le crie. Il s’est aussi exclamé avec des mots qui roulaient comme des pierres sur l’asphalte qui écorche vif ceux qui s’y abandonnent. Beaucoup d’émotion, la poésie dans sa beauté chante sans préjugé, peu importe les mots, les messages, quand elle vient du cœur elle frappe, elle crée un éveil, l’éveil de l’humain dont l’âme se retrouve souvent, dans sa solitude, dans son malheur d’humain, sans abri. Encore: qu’est-ce qu’un abri?

On y a vu également quelques bouts de films, quelques poètes du «rap», je me souviens de Clermont, Le Belge, les danseuses «gumboots», les autres poètes du «slam» (aucune idée de l’orthographe des noms, par contre), aussi les excellents animateurs de la soirée, le gars, la fille: des gens de cœur, des gens qui crient à la société qu’ils existent et que tous sans exception ont droit à la plus simple des choses que la vie doit nous transmettre dès la naissance, ce qu’on appelle un «abri». Qu’est-ce qu’un abri?

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