Spectacle FIJM – Nikki Yanofsky – dimanche 27 juin 2010

C’est la quatrième année consécutive que je vois Nikki Yanofsky en spectacle au Festival International de Jazz de Montréal. Et bien je n’en reviens pas. Le sang du show business lui coule dans les veines à grands torrents. Elle a de la classe et elle sait jouer avec son public, elle sait l’amuser et l’émouvoir. Elle est jeune et elle brille déjà parmi les grands canons du monde du spectacle et de la musique.

Je reste surpris de voir comment elle ne se répète pas, comme elle nous revient avec une fraîcheur constante et renouvelée, et comment elle réussit à conserver cette belle personnalité à la fois espiègle et charmante. Elle sait se ressourcer. Pour son jeune âge ce n’est quand même pas ordinaire. Être vedette à 16 ans et rester simple et attachante, cela a son mérite et montre que l’artiste en elle vise plus haut.

Vedette et show business, oui, bien sûr ! Mais au-delà de tous ces aspects « entertainment » et de cette « batterie de publicité » avec lesquels on l’enveloppe de toute part, il y a son immense talent; c’est une incroyable chanteuse qui peut vous lancer d’interminables scats à la Ella Fitzgerald, sans s’essouffler, sans manquer une note ni une syllabe, et ce avec une telle assurance qu’elle ferait pâlir nombre d’autres étoiles qui scintillent sur les mêmes orbites des hautes sphères stellaires du domaine artistique. Ce n’est pourtant pas la première fois que je l’entends faire ça; mais, sans défense, je tombe sous le charme. Surprenante et merveilleuse. Je ne suis pas le seul, mes voisins de salle, possiblement des touristes américains, tenaient leurs yeux dans leurs mains, bouches bées avec des « Wow » d’éblouissements dont on ne savait trop s’ils pouvaient se remettre.

Nikki Yanofsky fait partie de ces artistes qui aiment vraiment ce métier, je ne le dis pas par cliché ou vieille rengaine, non elle aime chanter pour son public. Dans tous les sens du mot, on peut dire, autant au figuré qu’au sens propre, qu’elle grandit avec lui, elle apprend d’années en années. C’est là le signe évident qu’elle ne dort pas sur son succès, elle travaille fort… Cette jeune adolescente brisera toutes les barrières existantes tant elle excelle dans tous les styles, du jazz pur et dur aux balades les plus simples en passant par le rock et le blues qu’elle chante divinement.

En outre, elle s’essaie à la composition, elle a des idées et de l’ambition. Elle ira loin, je le lui souhaite, elle est déjà loin d’ailleurs, mais elle nous amènera Dieu seul sait où ! Car si elle se donne à la création, avec tout le vocabulaire musical qu’elle maîtrise et qu’elle explore, elle pourrait bien nous arriver avec quelque chose de totalement nouveau et révolutionnaire.
 
Je me suis procuré son DVD, disponible sur le site du festival. D’après les titres des chansons, je dirais qu’il s’agit du spectacle de l’année passée. Pas moins de 22 titres, dont la sublime version de « The Wind cries Mary » de Jimi Hendrix. Beaucoup de titres ! et c’est ce qu’elle a donné encore durant ce concert d’une heure et demie. Il faut dire qu’il est difficile de compter le nombre de pièces qu’elle donne : avec elle il n’y a pas de répit, les chansons se suivent de très près; même si sans brusqueries, elle nous entraîne dans une cascade excitante et époustouflante ! – belle jeunesse !

Spectacle FIJM – Paolo Fresu avec Omar Sosa – vendredi 25 juin 2010

Le Festival de Jazz de Montréal, 31e édition, vient de prendre son envol d’une belle façon, en tout cas pour moi qui ai assisté au concert de Paolo Fresu et Omar Sosa ce vendredi 25 juin. Bon à entendre, beau à regarder.

À eux deux ils nous ont offert des « sonates ou concertos » pour piano et trompette ou piano et bugle avec orchestre invisible. Eh oui ! Nous sommes à l’ère des électrons, nous pouvons donc nous attendre à tout. Tant que les musiciens ne feront pas seulement semblant de jouer, nous resterons contents.

Précisons : l’orchestre invisible n’est que cette impression laissée par les musiciens qui utilisent des synthétiseurs pour s’accompagner, pour soutenir leur musique qui se dessine, elle, sur leurs instruments tout acoustiques. L’orchestre invisible agit autant en arrière-plan, préprogrammé; qu’en avant-plan, « interprété » où, dans ce cas, il obéit aux jeux des musiciens. Il se laisse deviner, il est discret, mais il nous laisse souvent émerveillés par la magie qu’il crée, charmés par le fait que nous ne voyions que deux musiciens alors que nous en entendions plus qu’il ne paraissait possible. Toujours est-il qu’il crée l’ambiance et donne le mood aux interprétations.

C’était ma première expérience avec ces deux musiciens, je n’avais donc aucune attente particulière. À première vue, piano et trompette et même piano et bugle pourrait nous paraître un difficile mariage de timbres. Un mariage à modérer disons, à tout le moins un couple incomplet. Un peu comme mélanger riz et pommes de terre dans un même plat sans autre chose. Souvent, dans ce type de duo, l’un cède la place à l’autre, le piano se contentant d’accompagner la trompette quand celle-ci veut s’exprimer pleinement.

Et bien non ! Mariage parfait, en partie grâce au jeu tout feutré de Fresu qui par moment évoquait des instruments à cordes et produisait nombre d’autres sons pour imiter le vent ou les vagues de la mer ou tout autre effet. Son instrument évolue toujours en harmonie avec le piano et cela d’une manière à la fois chantante et concertante, pratiquement jamais contrasté pourrait-on dire, tellement les nuances de l’un et de l’autre les unissaient en des teintes fondues tout pastel. Trompette et piano d’un même souffle.

Le duo prend la scène pour une heure quarante minutes environ. Omar Sosa, vêtu en rouge y monte chandelle allumée dans les mains, chandelle d’un même rouge d’ailleurs; il est grand, mince et élégant. Son jeu au piano reflète également le mystérieux de sa personnalité qui s’entoure de rites qui lui sont propres, tout en cérémonie. Malgré les élans fréquents de virtuosité à la Chick Corea, son style glisse presque immanquablement vers des sonorités classiques, avec contrepoints, lignes mélodiques bien définies et bien soutenues par l’harmonie et la basse de la main gauche. C’est là où je dirais qu’il se démarque des autres pianistes que je connais. On remarque aussi qu’il aime s’éloigner d’un thème pour mieux y revenir. Il le montre à son public d’ailleurs, en esquissant des sourires comme pour montrer qu’il revient là où il voulait en venir (musicalement).

Paolo Fresu n’est pas aussi visible que Sosa en ce qui concerne l’habillement ou les gestuelle, il se camoufle presque. Il se vêt de tons plus neutres, à la mode italienne, où les motifs sont à la fois doux et étranges. Un peu comme un vêtement de nuit, mais discret. C’est peut-être justement dû au fait qu’il a une allure si décontractée sur scène que nous avons cette impression de calme « nocturne ». Il joue assis, sur une chaise plus qu’ordinaire, une pliable presque rembourrée; cependant, il y prend sa place et attire notre attention visuelle par la pause qu’il y prend. Ses pieds ne s’appuient pas sur le sol, il fait corps complètement avec sa chaise, il se recroqueville et se balance tranquillement, toujours en équilibre, comme si cet état de suspension, de semi-lévitation artificielle était complémentaire, voire même absolument nécessaire à sa musique. Aussi, la plupart du temps on ne le voit que de profil, ce qui l’efface en tant que artiste, il nous force à « regarder » sa musique…

La musique de Fresu nous ramène les saveurs du « cool », cette courte période jazz après-bebop, apportée par Miles Davis vers la fin des années 50. Ses lignes mélodiques sont toujours calmes, même dans les moments les plus acrobatiques où on voit l’instrument affirmer sa présence, défiant le piano avec des arabesques mélodiques effrénées.

La sonorité de sa trompette et surtout de son bugle (qu’il joue plus souvent que la trompette, j’oserais avancer que le concert est à 70% bugle et piano) s’enrichissent encore là de la technologie qui permet au musicien de produire, de créer en fait, des notes dans un autre ton : il émet un son, le système lui en sort deux ou trois simultanément. Ajoutons à cela Sosa qui y additionne ses percussions électroniques et autres effets et vous obtenez ce que j’ai appelé plus tôt un orchestre invisible. Orchestre dirigé par deux musiciens bien présents pour une musique en constant équilibre, une musique très agréable.