Spectacle – [ZØGMA] – Rapaillé (Gaston Miron) – vendredi 26 mars 2010

J’ai assisté, au Gesù, à un spectacle magnifique de [ZØGMA], une troupe de jeunes danseurs et musiciens qui, pour cette occasion, était augmentée de quelques invités spéciaux dont Margie Gillis (la très célèbre danseuse canadienne), Edgar Bori et Jean Arseneault. Ensemble, ils nous ont transportés dans l’univers poétique de Gaston Miron d’une manière tout à fait originale.

Des pas qui chantent, des rythmes qui dansent, une mise en scène qui raconte et des tableaux bien brossés où était présent, en toile de fond et au premier plan, notre poète… autour duquel il semble y avoir un engouement de plus en plus marqué depuis quelques années. Et c’est tant mieux !

Si la bande des douze le chante admirablement, si Chloé Sainte-Marie en a fait un Dieu, et bien [ZØGMA] nous le présente comme un ami, un homme de chair et d’os, farouche et amoureux, extrême et généreux. Le poète au quotidien qui marche à l’amour sur le chemin que font ses vers sur des pages-trottoirs qui résonnent musique sous les talons du temps…

La mise en scène est ingénieuse, échafaudée sur la thématique des quatre saisons qui se dessinent entre prologue et épilogue. Chacune des étapes apporte son lot de joies dans les jeux et son lot d’émotions dans les élans. On y retrouve autant la pluie joyeuse des orages estivaux que les foulards hivernaux des grandes danses qui réchauffent. Les jambes glissent d’une saison à l’autre avec un naturel merveilleux.

C’était émouvant de voir, dès le début du spectacle, un petit extrait du film d’André Gladu « Gaston Miron (les outils du poète) », film que l’on pouvait se procurer du cinéaste même à la fin du spectacle, pour seulement 20 $, en format DVD. On y voit un Miron au naturel nous faire une démonstration poétique d’écriture de poèmes. Il y personnifie l’homme à la recherche du poème caché, le poète à la recherche de l’homme farouche dissimulé sous les vers épars qu’il vient tout juste de taper du bout des doigts, comme une gigue cryptée donnant du talon dans le plancher du papier. Une danse de petits marteaux dactylo qui se fait inspiratrice et qui prépare le terrain de l’œuvre à venir.

Une danse dactylo, tiens ! voilà un des tableaux admirables que les danseurs nous offriront; alors que nous entendons la voix de Pierre Lebeau réciter des extraits, un danseur trace des arabesques avec ses mains sur une machine à écrire imaginaire, un autre imite le chariot se déplaçant de gauche à droite puis revenant au début en fin de course, d’autres couchés par terre, en rangée, martèlent le plancher de lettres rapaillées en mots par le narrateur. Tableau saisissant, image géniale, moment inoubliable !

Parmi les nombreuses scènes de chacune des saisons du programme, citons que celle de l’été s’est montrée particulièrement brillante avec la participation de Margie Gillis, cette grande dame de la danse qui, en duo avec Frédérique-Anne Robitaille, nous a offert une performance incroyable. Elles ont ouvert l’ « Été » avec un bouquet de fraîcheur d’une beauté édénique. Un alliage presque alchimique, en tout cas magique, entre danse « folklore » et danse moderne. Une danse à deux déchaînée qui s’est terminée dans une euphorie aquatique totale, une danse comme un poème, un poème comme une jeunesse éternelle trempée dans une eau de jouvence. Une grande Margie Gillis en pleine possession de ses moyens.

[ZØGMA] est telle, elle est musique de pieds aux souliers ferrés et de mains aux résonances folkloriques, musique de mots, d’archets et de violons, de tambourin et de transistors à beaux effets. La palette des couleurs est riche et prend toute sa valeur dans le talent indéniable des merveilleux artistes.

Leur « Rapaillé » est à mon sens une belle réussite artistique qui mériterait d’être immortalisée dans l’encyclopédie patrimoniale de notre bibliothèque « Je me souviens ».