Poésie – Estuaire #139 – Peinture du temps – Paroles de Poètes – Bruno Roy

Je viens de lire le dernier numéro (139) de la revue «estuaire» (Le poème en revue) dans laquelle il y a des textes intéressants et sensibles, beaucoup certainement très émouvants, de Bruno Roy. On se souviendra qu’il est décédé inopinément en début d’année, le 6 janvier 2010.

On peut y lire des textes sur divers sujets qui se rassemblent autour du titre: «Journal dérivé». Les textes ont été rédigés entre le 2 avril et le 25 mai 2009.

On peut apprécier la belle écriture et l’esprit d’analyse du poète. Il commente, entre autres, la correction qu’il a faite du travail d’une de ses étudiantes à l’Université, la qualifiant de «vraie poète». Dans un autre texte, il pose quelques réflexions sur ses ateliers d’écriture où il rencontre certaines difficultés à convaincre ses étudiants «de travailler leurs textes». Il apporte toujours un élément de réponse à chacun de ses questionnements. Comme s’il se servait de l’écriture pour «raisonner».

Mais, il y a plus, s’y détache un thème principal, un sujet qui passe au premier plan. En effet, nous pouvons lire dans ses textes des réflexions sur la mort, plus particulièrement sur son expérience de vivre le deuil de son épouse. Ou plutôt son expérience de ne pas pouvoir le vivre. Tout lui rappelle Luce, la femme de sa vie: «Les mots D’Esther Croft […] ravivent le souvenir vivant de Luce»; puis: «Les mots de […] Danielle Dubé me touchent! […] Danielle me ramène, en raison du décès de ma Douce, à mes larmes […]»; et encore: «Dans le ‘Journal de deuil’, Rolland Barthes écrit qu’il n’est pas en deuil de sa mère, simplement qu’il a du chagrin. Je crois que depuis le départ de Luce, c’est ce que je ressens.» Et, un peu plus loin: «Quand donc le souvenir de Luce ne me fera plus pleurer?»

Viennent ensuite quelques réflexions sur la vie et la mort. Des réflexions assez poignantes maintenant qu’il nous a quittés: «La mort de Luce est une chose grave […] [m]ais cela ne doit pas nous empêcher de vivre. Est-ce que le départ de Luce annule […] mon goût de vivre? Non, il ne le faut pas. […] on ne décide pas de mourir, on vit le plus longtemps possible.» Quel beau message il laisse en héritage! Un message de courage et de foi en l’avenir, en la vie.

On y trouve des tourments, aussi: «écrire sur le décès de Luce […], est-ce de l’opportunisme littéraire?» La réponse est bien sûr non. Car il confie: «Aujourd’hui, j’ai l’impression que ce sont les mots que j’écris qui permettent le travail du deuil.»

La revue «estuaire» est l’une de mes préférées, j’en suis rarement déçu. De plus, elle a toutes les apparences d’un petit recueil. Elle s’adresse aux amoureux de la poésie, bien entendu.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire