Poésie – Julienne Salvat – Fractiles

Julienne Salvat, poète, née en Martinique à Fort-de-France en 1932, était à Trois-Rivières cette année pour le 25e festival international de la poésie.

Lors d’une lecture, qu’elle a donnée dans le cadre du festival, dans l’une de ces belles maisons de thé du vieux Trois-Rivières, elle nous a charmés avec sa poésie.

D’emblée, ce que l’on remarque dans ses poèmes, c’est définitivement le rythme, auquel s’ajoute une musique qui secoue avec toutes ses belles résonances syllabiques; c’est suffisamment évident à mon oreille pour que certains poèmes, aidé de surcroît par la répétition, m’inspirent directement un chant, une chanson, comme, par exemple, dans «Agitation mondaine»: «Je vous présente / notre naturel chassé au galop / - enchanté // Je vous présente / notre esprit frappé d’un savoir / orange amèrement oppresseur / - enchanté // […] // Je vous présente mon cœur / ballotté entre flux du bercail / et reflux des funérailles / - enchanté», ainsi de suite pour 19 (faux) enchantements et un désenchantement: «À votre tour / ne me présentez pas / je ne suis pas enchanté.»

Il y a aussi des jeux de mots délicieux à découvrir, comme dans «Signalisation déroute»: «Chutes de paupières / Fausset rétréci voix unique / Sable émouvant», une bonne dose d’humour, certes, mais toujours bâti sur des tonalités et une rythmique singulière, entraînante, parfois syncopée, d’autres fois «jazzée», mais toujours le tempo vient se planter fermement dans le sol, comme pour cette «Danse d’amours métisses»: «À coups de talons le sol / pour un flamenco cimarron», où les mots «coups» et «sol» marquent des temps forts, et le verset suivant s’élance en fuyant, comme une belle gitane provocante. Une adroite façon de représenter musicalement ce que les mots disent, d’un même jet.

Nous trouvons de tout dans cette poésie: un peu de sorcellerie, d’abord dans les mots savoureux comme «quimboise» et «quimboiserie», de même dans certaines images évocatrices, par exemple: «Puis il fait semblant de se rendormir / son style bambou lui caresse / les lignes de la main». Et, de page en page, tout au long du recueil, on découvre par-ci, par-là de la joie, de la tristesse, de la rage, de l’esprit, voire même une pointe de sarcasme quelquefois, causé par une douleur, un désir de vengeance, peut-être. Une très belle diversité d’émotions.

Il y a aussi des mots recherchés et bien choisis dans la poésie de Julienne Salvat: «vos mots veulent-ils épicènes / dire nue oiseau fané», ou «vie qui brûle à l’ausculter / des épigés des étisies / des quimboiseries tgv». Toujours ils s’agencent harmonieusement, autant dans leur sonorité que dans leur sens.

À la fin du recueil on trouve un petit lexique qui définit les régionalismes utilisés dans les poèmes, c’est là qu’on apprend que «quimboiserie» veut dire sorcellerie, magie; que «cimarron» signifie nègre marron, esclave en fuite; que «bête-longue» représente un serpent et que «épinies» désigne toutes sortes d’arbres et arbustes épineux.

Un beau recueil qui séduit et surprend autant par sa beauté que par son intelligence.

Julienne Salvat – Fractiles – Éditions UDIR, 2001.

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