Spectacle FIJM – Salon de Guitare de Montréal – Ahmad Jamal – vendredi 2 juillet 2010

Le festival de jazz de Montréal, malgré les nombreux travaux dans toute la ville, l’allure « bombardée » des rues et la reconfiguration obligée des éléments du site, obtient encore un succès inégalé cette année. Il y circulait beaucoup de monde ce vendredi soir 2 juillet 2010.

Étant donné que le concert de Ahmad Jamal est programmé pour 21 h 30, j’ai décidé d’aller faire un tour au « Salon de guitare de Montréal » qui se tient dans l’enceinte du Hyatt Regency Montréal du Complexe Desjardins. Possiblement le vestige des quelques salons d’instruments de musique qui prirent place au premier niveau du même complexe durant quelques années. Celui-ci aurait disparu : plus de pianos, de saxophones, de batteries, etc. Croyons que la rentabilité n’était pas au rendez-vous ou que l’intangible ne fait pas partie des calculs comptables.

Néanmoins, le prix d’entrée à cette foire « guitaresque » m’a semblé exagéré pour ce qu’on y voit ou ce qu’on en retire. D’autant plus que les fabricants et luthiers s’y présentent dans le but commercial de se faire connaître, voire même de prendre des commandes. Bah ! nous pourrions dire la même chose pour les autres salons, celui du livre et des métiers d’art.

Toujours est-il que le nombre de guitares, et surtout la variété des concepts, designs, styles… dépasse l’imagination. Des guitares sans rosette ou, plutôt, à orifice déplacée dans l’éclisse supérieure (je me suis laissé aller à la réflexion qu’il est vrai que bon nombre de guitaristes aiment à s’écouter jouer, mais bon…), des guitares en forme de coussin, de Mickey Mouse, de boîte à cigare, de morceau de casse-tête, etc. Et ce, dans toutes les sortes de bois exotique qui existent sur la planète.

Hormis ces excès ludiques, qui parfois embarrassent la vocation musicale de l’instrument et qui se prêteraient mieux à un concours d’art ou de sculpture, il faut dire que la réalisation, le travail de l’artisan pour la finition de ses instruments est d’une perfection à faire peur. Pour les personnes qui aiment l’ébénisterie fine et le travail du bois, l’événement pourrait les inspirer. Afin de clore ce chapitre, j’ajouterais que, pour avoir essayé quelques-unes de ces beautés tape-à-l’œil dans le passé, ce ne sont pas les meilleures « chanteuses » : souvent leur beauté dépasse leurs qualités acoustiques, pourtant nécessaires pour mériter le mot « musique » après le mot « instrument ». Mais il y a avait aussi de nombreux luthiers plus conservateurs sur l’esthétique et plus attentif sur la sonorité de leurs instruments. Dont beaucoup de québécois qu’il vaut la peine de découvrir.

N’empêche que l’événement m’a distrait jusqu’à l’heure du concert de Ahmad Jamal. Ce pianiste de 80 ans a été reçu avec un « Happy Birthday ». Eh bien ! malgré cet âge vénérable, il nous donnait l’impression d’avoir seulement quatre fois 20 ans : une forme et une énergie époustouflante.

L’élément percussion dans sa musique est le cœur de tout. Il était accompagné d’un percussionniste très coloré, peut-être un peu trop « présent », je veux dire qu’il attirait beaucoup l’attention; un batteur plus discret que son voisin mais tout aussi intelligent, au jeu délicat, au rythme puissant et bien réglé; et d’un bassiste virtuose pour qui cette grosse contrebasse avait l’air d’un jouet entre ses mains, lui aussi tranquille et effacé, il complémentait le piano, parfaitement, en prolongeant la main gauche du pianiste.

Ahmad Jamal, quant à lui, s’occupait du piano : y en avait-il qu’un seul ? Là est la question. Son style au clavier est unique, nous aurions beau voir des connexions avec des Chopin, des Duke Ellington, des Cecil Taylor, des Hancock, des Oscar Peterson et bien d’autres, mais non, personne parmi ces grands ne peint de cette manière. Souvent, à l’écouter et à le voir évoluer sur son instrument, de tout son corps, il nous vient l’image de ces bandes dessinées qui nous montrent un pianiste avec des mains dédoublées percutant le clavier d’où les blanches et les noires forment des vagues, des ressacs, puis retombent à leur position.

C’est un peu avec cette image que l’on peut expliquer la musique de Jamal. Une musique percussive, faite d’accords plaqués, de basses à défoncer la table d’harmonie, de notes endiablées, mais d’où émerge, soudainement, comme par enchantement ou par opposition, une mélodie douce et calme.

Un autre élément semble s’ajouter à cette image, car au delà du style percussif entremêlé d’éléments mélodiques, il y a cette impression à la fois « free jazz » et rythmes sud-américains ou afro-cubains qui produisent une résultante « impressionniste », une couleur et une ambiance où la musique devient peinture abstraite dans laquelle nous pouvons déceler des images concrètes qui semblent surgir d’un chaos apparent, mais si bien calculé. Et finalement, ces belles images bien appuyées nous charment et restent gravées dans notre mémoire.

On ne peut s’empêcher d’aimer ce musicien qui donne l’impression d’être l’un des artistes les plus simples qui existent. Lui, qui après s’être laissé chanter « Happy Birthday » s’est assis sur le bord du banc de son piano, le plus simplement du monde, comme s’il était entouré d’amis et qu’il venait de trouver un piano par hasard sur son chemin, il s’est mis à pianoter quelques notes de la main gauche, puis, tout à coup, comme si l’idée venait de lui surgir de jouer quelque chose, il s’installe pour de bon et c’est parti pour une heure et demie. Il saluera chaque applaudissement entre les morceaux, mais il ne laissera pas passer le temps, deux ou trois secondes suffisent, les pièces débouleront les unes sur les autres sans répit jusqu’à la fin.

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