Livre – Bruno Roy & Diane Dufresne – Les cent plus belles chansons du Québec – Anthologie

Je me suis enfin procuré ce beau livre : « Les cent plus belles chansons du Québec », anthologie préparée en 2009 par le regretté Bruno Roy (qui sera fêté au Lion D’Or le 25 septembre prochain, soit dit en passant…), et que Diane Dufresne agrémente de nombreuses illustrations de sa création.

Bruno Roy nous prépare d’emblée dans son introduction à la contrainte des cent titres; qui, malheureusement, mettra des chefs-d’œuvre de côté; soit parce que des autorisations ne sont pas venues de la part de propriétaires des droits d’auteur, soit parce qu’il fallait s’étendre sur une période de temps relativement grande. Assez grande en effet, car on y couvre quelques siècles ! Partant, l’album contiendra beaucoup moins qu’une chanson par année. On a tout de même l’impression, à première vue, que les grands jalons de la chanson québécoise, pour les gens de ma génération, y sont représentés.

Et le bal commence avec « À la claire fontaine ». Je dois avouer que j’ai été agréablement surpris de voir qu’on ait pensé à cette belle chanson, qu’elle soit la première. Car s’il y en a bien une qui puisse remémorer nos origines, et qui continue à nous habiter intensément, c’est bien celle-là. On en trouve quelques autres d’époque et qui font plaisir à les y voir revivre, telle que « Un Canadien errant ».

Il y en a trop peu, peut-être, mais il est vrai qu’il existe les livres de « La bonne chanson », j’ai aussi, pour me consoler « Chansons folkloriques françaises au Canada » par Marguerite et Raoul d’Harcourt, tiens ! j’ai le goût de le relire. Ou, plus vivant encore, l’album « Chansons folkloriques du Canada » que Radio-Canada avait lancé pour le centenaire de la confédération en 1967, où on peut entendre Louise Forestier, Raoul Roy, Jacques Labrecque et plusieurs autres chanter, dans les deux langues, pas loin de 130 chansons. Toute cette documentation déjà disponible explique sans doute la raison pour laquelle sont absents de cette anthologie certains de nos fleurons glorieux…

Toujours est-il que l’idée du livre, à ce que j’ai compris, est de nous faire découvrir ou redécouvrir les superbes paroles de nos chansons, démaquillées de leurs belles musiques. Écouter les mots pour eux-mêmes dans leur splendeur toute nue. J’avoue que certaines pages m’ont pris plusieurs minutes à « lire ». Premièrement, parce que la chanson en tant que telle « chantait » avec sa chanteuse ou son chanteur dans mes oreilles « internes » et que je ne pouvais pas aller plus vite que le violon; et, deuxièmement, parce que je voulais faire l’effort de lire les mots sans entendre la musique. Pour certaines, il faut plusieurs essais, dois-je l’avouer…

Et puis les années passent… Après 1962, puisque l’ordre des chansons est chronologique, les merveilleux dessins de Diane Dufresne, qui s’affichaient plus souvent en noir sur blanc, prennent tout à coup des couleurs « vivantes ». Plus on avance dans le livre, plus on tombe sous le charme des illustrations qui, parfois, accompagnent nettement les chansons, comme c’est le cas pour « La complainte du phoque en Alaska ». À elles seules, ces œuvres font de ce livre un véritable objet précieux. On ne peut s’empêcher de les aimer. Souvent énigmatiques, toujours sensuelles. Des figures qui vous laissent « Le nœud gordien » noué dans la gorge. Comme étouffé par un alphabet d’émotions, par l’abc d’un art nouveau où se retrouvent tous les mots mis en images, où une lettre vaut une chanson, et où chacune est une découverte fantastique. L’ensemble forme un dictionnaire d’images pour une culture riche en symboles.

De plus, 1962, c’est l’année de « Les vieux pianos », mais aussi de « La vie d’factrie » ! de Clémence DesRochers. Chanson que je croyais beaucoup plus récente, dix ans plus jeune à vrai dire, et je l’imaginais même composée par Luc Plamondon, pour son « Starmania ». Voilà que je fais un gros plan sur mon ignorance, mais c’est une raison de plus d’être heureux de faire toute sorte de découvertes en parcourant cette magnifique collection, inestimable en souvenirs de tous genres, des moments qui ont marqué notre vie en quelque sorte. Aussi, il est bon de remettre les pendules à l’heure.

Cependant, il me semble qu’une anthologie soit plus facile à rendre heureuse quand les chansons que l’on veut rassembler dans un portfolio ont acquis une certaine maturité et qu’elles nous parlent par elle-même. Pas seulement par les souvenirs qui nous reviennent en tête à leur écoute : notre premier « slow », un premier baiser, un premier chagrin d’amour, une première rencontre, notre mariage, etc. En fait, et vous me voyez venir sans doute, je ne suis pas d’accord à 100% avec la sélection que Bruno Roy nous offre. Disons que je le serais à 92% : Je ne comprends pas certains choix. Notre patrimoine artistique de la chanson est tellement riche que j’ai du mal à hésiter en comparant certaines absentes à celles que je trouve parmi ces « cent plus belles ».

D’accord, puisque je sens l’insistance monter, j’en mentionne au moins une, voilà : « Comme j’ai toujours envie d’aimer ». Chanson à succès, c’est certain. Mais d’un ennui total à lire. Il me semble qu’une chanson de Diane Juster y aurait trouvé sa place, là. Une de ses chansons aux tons justes et authentiques comme elle sait le faire. Une grande oubliée, parmi tant d’autres. Une autre absence difficile : Daniel Lavoie. Parfois, les succès du « commercial » masquent les réelles beautés artistiques. Dans le firmament des étoiles, les éclipses nous jouent des tours. Bien dommage.

Peu importe ! Malgré ces quelques petites ombres au tableau, ce très faible nombre à vrai dire de petites étoiles que l’on remplacerait par de plus grands Soleils, ce trop petit chiffre « Cent » pour une aussi grande mission, la lecture de ce livre est plus qu’agréable, elle est souvent chargée d’émotions. La dernière page se tourne, frissons dans le dos, sur une note sensible et plus qu’excellente avec « Ce monde sans issue » : un texte de Gaston Miron, une musique de Gilles Bélanger; et aussi sur d’autres peintures de Diane Dufresne dont deux où l’on peut lire les titres des chansons en arrière-plan. Des œuvres que l’on voudra regarder longtemps et souvent parce qu’elles nous font traverser les âges d’une culture en un seul coup d’œil avec plusieurs coups de cœur.

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